Alain Derly : « Le polo-vélo est un réel « plus » pour la préparation physique et mentale »

Président de la commission Polo-Vélo au comité IDF Cycliste, Alain Derly a rejoint le PCO cette année, avec comme projet de développer sa discipline fétiche au sein du club et dans la région. Nous lui avons posé quelques questions.

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Alain sous ses anciennes couleurs de Gervais-Lilas

Alain Derly, vous êtes spécialiste du polo-vélo en Ile-de-France. Pouvez vous nous décrire cette discipline en quelques mots?

Le polo-vélo est un sport d’équipe qui a été inventé par un cycliste irlandais (Richard J. Mecredy) en 1891. Il voit s’affronter deux équipes de 4 ou 5 joueurs, selon la version jouée, où chaque équipe va tenter de marquer un maximum de but dans le camp adverse. Tous les joueurs sont en VTT ou BMX et contrôlent la balle à l’aide d’un maillet sur un terrain de football ou de rugby, si possible en herbe, sinon en stabilisé ou en synthétique. S’il n’y a pas de gardien de but dans la version à 4 joueurs, dans la version à 5 joueurs, le gardien de but est naturellement en vélo. Le pignon fixe est là recommandé pour un meilleur équilibre du gardien dans sa surface.

Depuis 2008, une version sur terrain dur (ciment, béton ou bitume) est apparue avec la mode du fixie, venant des Etats-Unis : le « hardcourt bike polo » ou polo-vélo urbain. Le terrain est beaucoup plus court (celui d’un terrain de rink hockey), d’où un nombre de joueurs différent : 3 par équipe. Les règles sont sensiblement différentes, plus libres sur certains aspects, plus contraignantes sur d’autres.

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Le polo-vélo version US

Dans les règles du polo-vélo à 5 joueurs, la sécurité des joueurs prime avant tout. Le principe de base est que le droit de passage est accordé au joueur qui possède la balle ou qui la suit. Il est donc interdit de couper la route d’un adversaire pour l’empêcher de jouer. Le maillet est tenue de la main droite systématiquement, ce qui évite les chocs, notamment lors de rencontres en face à face entre un droitier et un gaucher. Les attaques de l’adversaire se font donc systématiquement sur le côté droit de l’adversaire. Les gauchers ne sont pas moins bien lotis que les droitiers puisqu’ils pilotent leur vélo de leur main favorite. Il y a des touches, des corners, des fautes et parfois des pénalties lorsque des fautes sont commises dans la surface de réparation du gardien de but. L’arbitre est à pied afin d’avoir une modification de ses déplacements plus rapide qu’en vélo sur les actions qui évoluent rapidement d’un camp à l’autre.

Il existe pas mal de compétitions de polo-vélo depuis de nombreuses années, notamment un championnat de France au sein de la FFC depuis 1930 et une Coupe d’Europe des clubs depuis 2007.

Le polo-vélo n’abîme pas les terrains en herbe, contrairement au football ou au rugby. D’une part le jeu se déroule sur tout le terrain, évitant ainsi de creuser des ornières avec le passage répétitif au même endroit d’un grand nombre de cyclistes, d’autre part il n’y a pas de piétinement de la pelouse à des endroits précis puisque le jeu évolue en permanence sans phase de jeu statique et se pratique avec des pneus en caoutchouc.

Enfin, même si la plupart des joueurs ont entre 15 et 28 ans, précisons que l’on peut faire du polo-vélo dès la catégorie « pupille » et en faire très longtemps : certains joueurs en France ou à l’étranger ont plus de 70 ans et sont toujours habiles avec un maillet !

 

Pour un routier ou un pistard (jeune ou moins jeune) quels sont les bénéfices de pratiquer le polo-vélo?

Les bénéfices sont au nombre de quatre : travail de l’équilibre, travail de l’esprit d’équipe et travail cardio-vasculaire en vélocité, le tout avec un aspect ludique dès les premiers touchers de balle.

1. Travail de l’équilibre

Quelque soit son âge, un routier ou un pistard doit avoir une bonne maîtrise de son vélo. Ce n’est pas en faisant uniquement de la route ou des compétitions sur piste que cela s’acquière. Les chutes en course dont on a tous été témoin (ou acteur) montrent bien la nécessité de bien maîtriser son équilibre pour éviter les chutes ou faire en sorte qu’elles soient le moins dommageables possible lorsqu’elles surviennent. La plupart des chutes sont dues à (ou au moins renforcées par) des crispations ou des peurs suite à erreurs d’inattention ou fausse manœuvre. Le polo-vélo permet de combattre ces peurs en travaillant l’équilibre de son vélo (à une main, le plus souvent) tout en s’amusant et sans s’en rendre compte : évoluer sur un terrain en herbe, meuble et non plat par définition, apprend à être souple. Les changements de direction de la balle au cours d’un match apprennent à être réactif et à modifier rapidement sa trajectoire tout en faisant attention aux autres. Bien que les chocs soient peu nombreux, certaines chutes sont inévitables en polo-vélo mais elles sont peu graves : en chutant sur l’herbe à 20 ou 30 km/h, on ne se fait pas mal. On apprend spontanément à chuter « en boule » tout en dédramatisant « la chute » puisqu’elles ne font pas mal. On est donc plus à l’aise sur son vélo, même sur piste ou sur route.

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Et pan !

2. Travail de l’esprit d’équipe

En deuxième lieu, un cycliste très fort sur route ou sur piste ne pourra pas gagner à lui tout seul un match de polo-vélo : il lui faudra compter sur ses partenaires, leur faire confiance, leur faire des passes, dépendre de leurs actions et se mettre minable pour récupérer une balle perdue sans rejeter la faute sur un coéquipier. Le jeu est tellement rapide en polo-vélo qu’on n’a pas le temps de se chercher des poux dans la tête entre équipiers lorsque l’adversaire attaque ! Jouer au polo-vélo permet donc à une équipe de se souder, ce qui se ressentira nécessairement sur la route ou certaines disciplines sur piste.

3. Travail cardio-vasculaire en vélocité

Le troisième apport du polo-vélo est un travail important de la vélocité et du travail cardio-vasculaire sur très courte distance. En effet, si les vitesses maximales atteintes en polo-vélo (environ 35 km/h) peuvent paraître dérisoires par rapport à certaines performances sur route et sur piste, il faut avoir à l’esprit que cette vitesse est atteinte en moins de 60 m en général (un terrain de rugby ou de foot fait 90 à 100 m de long) et avec un tout petit développement puisque le développement maximum autorisé est de 3,50 m par tour de pédale (l’équivalent d’un 42X26 ou d’un 39X24 sur route). Concernant le travail cadio-vasculaire, le polo-vélo se caractérise par de nombreux va-et-vient sur le terrain (accélération, freinage, relance) entrecoupés de pauses (arrêts de jeu tels que touches, corner, etc.) qui font monter le cœur assez haut. A titre indicatif, j’ai déjà plusieurs fois atteint les 182 pulsations par minute en pointe lors de matches de polo-vélo de niveau national ou international (soit le même niveau qu’en course aux points) alors que mon maximum était de 187 lors d’un test d’effort. Pour autant le rythme cardiaque moyen lors d’un match reste bas : environ 150 pulsations en moyenne sur une heure.

4. S’entraîner en s’amusant

Enfin, l’aspect ludique du polo-vélo participe pour beaucoup à la bonne humeur qui règne lors des tournois. On progresse dans ce sport avec beaucoup de plaisir et l’on vit de bons moments de rigolade, comme dans beaucoup de sports de balle. Et comme le plaisir est à la base de tout sport, pourquoi se priver ?

 

Vous avez quitté l’ES Gervais Lilas pour rejoindre le PCO cette année, afin d’y développer le polo vélo. Quelles sont vos ambitions, et comment jugez vous le potentiel de Paris dans ce domaine?

Mes ambitions pour le PCO sont progressives et s’inscrivent dans le temps, je suis encore dans la découverte. Mais avec une école de vélo, de nombreux minimes et cadets et de grosses équipes de 2-3-J, départementaux et UFOLEP, le potentiel du club est forcément grand.

A ce jour, je vois quatre supports possibles :

1. Que le PCO puisse aligner des joueurs débutants sur les 3 manches du Challenge Initiatique de Polo-vélo d’Ile-de-France, à l’image des 3 participants du PCO au Tournoi d’Alfortville le 14 décembre dernier. Les trois tournois qui composent ce challenge sont dédiés aux joueurs débutants et accueillent toutes les catégories pour jouer ensemble : aussi bien des élèves des écoles de vélo que des minimes, des cadets, des juniors et des seniors. Le 2ème tournoi de ce Challenge aura lieu dimanche 19 janvier sur le stade de la Motte à Bobigny de 14 à 17 h (tout près de l’hôpital Avicenne). Le 3ème aura lieu dans le Val d’Oise durant le 1er ou le 2ème week-end de février. Il nous est possible de viser un podium dès cette année. Tout dépendra de la mobilisation des coureurs lors des deux prochaines manches.

2. Que notre école de vélo puisse participer au Tournoi d’île-de-France des écoles de vélo, rendez-vous annuel depuis 2009 qui se joue généralement à l’automne. On a donc tout le temps de s’y préparer. Le Challenge Initiatique est d’ailleurs la meilleure des préparations.

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Un bon exercice pour l’école de vélo. Ici les jeunes d’Argenteuil

3. Nous pourrions organiser un tournoi amical courant 2014 sur l’un des terrains de la commune de Paris. Le PCO a une bonne équipe dynamique de bénévoles qui pourraient probablement aider à cette organisation et je possède suffisamment d’expérience pour pouvoir gérer équipes et arbitres lors d’un tournoi.

4. A moyen terme, si certains coureurs « accrochent », on peut envisager de monter une équipe régulière pour participer à des compétitions régionales ou certains tournois nationaux, comme la Coupe d’Automne. Enfin à plus long terme, on peut rêver de présenter une équipe en championnat de France ou en Coupe d’Europe, mais il faudra du temps (au moins 2 ou 3 ans) pour former de bons joueurs afin de prétendre à autre chose qu’à une place de figurant sur ce telles compétitions, dont le niveau est très relevé.

Voilà pour les compétitions. Mais il y a bien sûr les entraînements !

Pour la saison prochaine, j’aimerais que le polo-vélo fasse partie intégrante de la préparation physique générale des minimes, cadets, juniors et seniors entre octobre et février avec une séance par semaine, selon la disponibilité d’un terrain. Ceux qui sont intéressés peuvent s’insérer dans les séances d’entraînement de l’E.S. Gervais-Lilas, qui ouvre depuis peu ses séances d’entraînements aux autres clubs franciliens. Ces séances se déroulent les jeudis soirs de 19 à 21 h sur le stade de La Motte à Bobigny (Tramway T1 « Hôpital Avicenne » ou Métro M7 « Fort d’Aubervilliers »). Possibilité de prendre une douche sur place après chaque séance. Je serai présent à ces séances et pourrai donc m’occuper de nos coureurs.

Par ailleurs, le PCO ambitionne d’entrer dans le top 10 des clubs d’Ile-de-France. Le polo-vélo peut aider le club à atteindre cet objectif en organisant au moins un tournoi et en ayant un maximum de participants aux différents tournois franciliens.

Il est encore trop tôt pour décrire le potentiel du PCO dans le polo-vélo, mais il est indéniable qu’un club si important a un rôle à jouer à l’avenir. Reste à convaincre les dirigeants et les coureurs que le polo-vélo peut être un réel « plus » dans leur préparation physique et mentale. Jusque là, j’ai rencontré une vraie ouverture d’esprit des dirigeants du PCO, qui m’ont parfaitement accueilli et ont accepté qu’une initiation au polo-vélo se déroule à la Cipale le 7 décembre dernier. J’ai donc de bons espoirs quant à l’évolution du polo-vélo au sein du PCO à l’avenir !